En 2006, alors lycéen, il manifestait du haut de ses dix-sept ans contre le CPE (Contrat première embauche).
À 30 ans, Jonathan Pires, intérimaire chez Adecco et engagé à 200 % dans la campagne pour les élections professionnelles de novembre prochain, manifeste toujours, désormais sous les banderoles FO. Avec un bel enthousiasme.

Jonathan Pires fait partie de la génération CPE. Ses manifestations en 2006 contre le Contrat première embauche et la grève qu’il avait alors lancée dans son lycée restent gravées dans sa mémoire. « Je n’étais pas syndiqué mais je discutais déjà beaucoup avec les syndiqués dans les manifestations. Je rêvais de faire partie d’un syndicat. »

Confronté à l’isolement et à la précarité inhérents à sa condition d’intérimaire, il lui faudra attendre dix ans avant de réaliser son rêve…

Un an après la chute du CPE (retiré sous la pression de la mobilisation), Jonathan, âgé de dix-huit ans, son CAP et son BEP de vendeur en poche, tente « l’aventure » parisienne et se retrouve, « comme beaucoup », précaire chez Mac Donald. Puis il s’inscrit dans une agence d’intérim, Adecco, et durant huit ans, il fera de longues missions à la Fnac, sans jamais y obtenir le CDI pourtant plus d’une fois promis par la direction. « De nombreuses entreprises font ça, elles nous promettent un CDI pour nous motiver et puis c’est toujours remis et finalement cela n’arrive jamais. J’aimais beaucoup ce travail à la Fnac, j’aurais vraiment aimé y décrocher un CDI, j’ai été très déçu. »

En 2016, de passage dans une agence entre deux missions, il tombe sur une affichette informant les intérimaires qu’ils ont des droits syndicaux. Il se tourne d’abord vers la CGT et est élu délégué du personnel et au CHSCT chez Adecco sur la liste de ce syndicat… Qu’il quittera moins d’un an plus tard pour rejoindre FO, où il trouve enfin ce qu’il cherchait : « Un syndicat à l’écoute des demandes des salariés et toujours disponible. » En janvier dernier, FO le désigne représentant syndical au comité d’entreprise.

ROMPRE L’ISOLEMENT

Ses missions à la Fnac s’arrêtent fin 2017, six mois après qu’il a pris sa carte à FO. Depuis, toujours intérimaire pour Adecco, Jonathan « fait un peu de tout », de la vente, de la restauration, de la manutention… « Pour le moment je ne suis pas inquiet, je suis encore jeune, ce n’est pas comme si j’avais 40, 45 ou 55 ans. Si je venais à trouver un CDI, il faudrait que ce soit intéressant et correctement payé, pas 1 100 euros par mois. »

Jonathan a aussi fait le choix de se consacrer le plus possible à ses mandats, même s’il peut être « compliqué » d’être à la fois intérimaire et syndicaliste.  Beaucoup craignent d’avoir moins de missions ou de ne plus en avoir du tout s’ils ne sont pas élus et donc pas protégés par le droit du travail. Pour Jonathan, le jeu en vaut la chandelle. « Il nous faut défendre nos droits », dit il simplement, sur le ton de l’évidence. Et « quoi qu’il arrive, je ne quitterai pas FO ! », ajoute-t-il dans un grand rire.

Depuis déjà plusieurs semaines, le militant coordonne sur huit départements de l’Ouest la campagne pour les élections professionnelles dans le secteur de l’intérim, qui auront lieu à l’automne prochain. Il raconte avec enthousiasme les distributions de tracts faites avec ses camarades de Manpower ou Crit sur des sites tels que Renault Sandouville, Renault Cléon, Sanofi, ainsi que les rencontres avec les délégués syndicaux FO des entreprises en question. Rompre l’isolement, telle est la clé, Jonathan est bien placé pour le savoir. C’est aussi pour ça, et par solidarité, qu’il manifestait le 1er mai et, avec les fonctionnaires, le 9 mai.

Article paru dans l’Infomilitante n°3306

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